Automobile En période de fin d'année où les remises se multiplient, l'"enfer" des rabais est un travers dont il sera difficile de sortir. Comprimer les prix au maximum est légitime pour un ménage, mais conserver une voiture vétuste au-delà du raisonnable ne l'est pas. © DR "Si vous devez choisir le meilleur moment de l'année pour acheter une voiture, la dernière quinzaine du mois de décembre est celle qu'il ne faut pas rater. C'est à ce moment-là que les stocks doivent s'écouler et que les objectifs seront ou ne seront pas réalisés par les réseaux." Ce bon observateur du marché n'en démord pas, la pratique initiée il y a une dizaine d'années s'est étendue des marques les plus fragiles aux plus solides et, excepté des modèles récents très recherchés faisant l'objet d'un délai de livraison, bien peu de constructeurs échappent à la petite ou à la grosse remise sur des modèles plus des usines toujours en surcapacité et un marché intérieur du neuf au point mort, les constructeurs automobiles français sont naturellement les plus exposés. Ils peinent à inverser le cours des choses pour s'affranchir des rabais consentis aux acheteurs malgré leur volonté de sortir de cette spirale infernale. "Chaque constructeur concède un certain montant de remises et nos remises sont supérieures" à celles de la concurrence, a récemment regretté le patron de PSA Peugeot Citroën, Carlos Tavares, en se fixant comme objectif à terme de "vendre nos produits au même prix que nos concurrents allemands". Rétablir le vrai prix"Dans un marché européen surcapacitaire et qui sort d'une crise, il y a cette tendance forte d'essayer de faire du volume en baissant les prix, et d'expliquer que si l'on n'est pas compétitif, on va s'écrouler. Nous sommes en train de nous guérir de cela en agissant sur le "pricing power" capacité à imposer son prix, NDLR, et c'est une démarche à multiples leviers", explique le directeur général de Peugeot, Maxime Picat. Bien peu de secteurs de la consommation échappent à cette politique de remises et il suffit de voir les sollicitations de fin d'année pour s'apercevoir que la période des soldes est déjà bien anticipée par les promotions et autres "opérations spéciales fêtes". Mais l'automobile est peut-être dans un cycle plus pervers encore, car il y a les ventes au particulier, mais aussi les ventes aux loueurs et aux flottes qui ne se négocient pas du tout aux mêmes tarifs. Une distorsion dont quelques spécialistes du déstockage se sont emparés pour offrir à qui veut, aux mêmes tarifs cassés, les voitures neuves l'absence de statistiques officielles, le "vrai prix" d'une voiture neuve est difficile à appréhender, alors même qu'il s'agit du produit "le plus négocié par les Français", assure Ouri Stopek, P-DG du site internet Kidioui. Celui-ci est aux premières loges puisqu'il compare les offres de mandataires. Ces sociétés rachètent à moindre prix des stocks de voitures neuves que les constructeurs peinent à écouler, et répercutent les rabais dans leur propre réseau. Les résultats peuvent être spectaculaires, même sur des modèles vedettes, avec des remises atteignant 30 % sur certaines Renault Clio et Peugeot 208. Les près de 30 000 véhicules disponibles sur Kidioui ne sont pas forcément représentatifs des 1,8 million de voitures particulières neuves vendues en rythme annuel en France. D'autant plus que les ventes aux flottes d'entreprises, privilégiant les volumes aux marges, jouent aussi un rôle. Mais pour M. Stopek, à l'exception de Dacia qui défend des tarifs bas mais fermes, "les marques françaises sont celles dont on pourra plus facilement obtenir une remise", tandis que les constructeurs allemands se révèlent moins généreux. "La fixation des prix en Europe se fait essentiellement par Volkswagen", numéro un dans l'UE, explique Laurent Petizon, du cabinet Alix Partners. "C'est l'un des rares constructeurs qui peut faire passer des augmentations de prix suite à des augmentations de contenu ou de qualité". Dans l'Hexagone, le marché du neuf devrait terminer l'année sur une hausse d'environ 1 % et stagner en 2015, après une année 2013 au plus bas en six ans de crise. Les constructeurs français ne parviennent toujours pas à faire tourner leurs usines à pleine capacité puisque leur taux de charge moyen est de 70 % en France, contre 82 % pour les usines allemandes selon Alix Partners. Volkswagen donne le "la" En fin de compte, "ce sont les clients qui déterminent quelle valeur la voiture a pour eux, et cela dépend de l'offre concurrente. C'est difficile, en particulier dans un environnement où il y a beaucoup de surcapacités de production, d'être capable de dicter le prix", observe Stephen Brown, de l'agence de notation Fitch. D'où la volonté de PSA, mais aussi de Renault qui tente de monter en gamme avec son nouvel Espace, de changer la perception des clients. "C'est ça qui fait la valeur, c'est ça qui fait la richesse. Il y a des marques qui avec des produits de qualité équivalente ne se vendent pas au même prix", souligne Christophe Maurel, président de la branche "concessionnaires de véhicules particuliers" au Conseil national des professions de l'automobile CNPA. Toutefois, améliorer l'image de marque représente "un effort de très long terme, et soutenu", selon M. Petizon. La réputation de BMW et Audi n'a pas toujours été aussi bonne, mais "leur montée en gamme a pris des dizaines d'années", rappelle-t-il. Au-delà de la force de la marque, d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Ainsi, en fin d'année, des remises importantes sont accordées "dans un objectif de réduction des stocks, dans le but pour les distributeurs d'atteindre leurs objectifs de vente pour toucher des primes", relève Yann Lacroix, expert chez l'assureur Euler Hermès. Et si Volkswagen consent moins de rabais que les autres, le constructeur allemand, en légère perte de vitesse sur le marché français cette année, propose actuellement des offres de financement à 0 %, "une manière de faire des remises" pour M. Lacroix. Après des années de rabais, le particulier en quête d'une voiture neuve sera-t-il prêt à payer plus pour son prochain véhicule ? M. Stopek en doute. "Si pendant six ans, les acheteurs ont été habitués à acheter leur voiture à - 23 %, du jour au lendemain vous leur dites "je ne vous fais plus que 12 %" de remise, ça ne sera pas accepté", prédit-il. M. Petizon en revient pour sa part à la loi de l'offre et de la demande aux États-Unis, la demande est repartie après la crise et les remises y ont logiquement fondu. "L'exemple américain montre que oui, on peut revenir de l'enfer", remarque cet expert. Un avis partagé par Carlos Tavares qui confiait au Point Auto en 2010 "La reprise américaine a été initiée par l'amélioration de la situation économique, mais aussi par le vieillissement du parc. Inéluctablement arrive le moment où une voiture trop vétuste doit être remplacée." Et le parc français de 32 millions de voitures en est à l'âge moyen canonique de 8,3 ans qui n'est ni une bonne nouvelle pour la sécurité, ni pour la pollution, qui font pourtant partie des priorités affichées du gouvernement. Je m'abonne Tous les contenus du Point en illimité Vous lisez actuellement Le vrai prix des voitures, une inconnue face aux rabais 3 Commentaires Commenter Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.